(Oiseau bleu et araignée, estampe de Imao Keinen)
Pour la plupart d’entre nous, le concept « d’amie araignée » s’apparenterait plutôt à un oxymore. Et pourtant, quoi de plus inoffensif et conciliant que cette petite bestiole à huit pattes ?
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Avec l’arrivée de l’automne, les araignées vont naturellement réapparaître dans nos lieux de vie, si ce n’est pas déjà fait. Elles ne s’installent pas dans les salles de bains et les chambres pour donner des sueurs froides aux humains, mais tout simplement pour trouver un partenaire et se reproduire. Nous sommes donc franchement le cadet de leurs soucis 🙂
(ci-dessous, l’artiste symboliste Odilon Redon fait de l’araignée une petite bête facétieuse – L’araignée, elle sourit, les yeux levés, 1887)
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Délit de sale gueule
Les araignées sont très rarement dangereuses. Ce qui nous rend fébriles et belliqueux à leur égard : leurs grandes pattes, leur vélocité et leur vilain corps brun et poilu ! Ces arguments sont-ils recevables ? Peuvent-ils justifier la moindre méchanceté ? Non.
Il y a bien longtemps, il m’est arrivé, lamentablement, de dégainer la bombe insecticide pour exterminer une araignée dont la taille, plus importante que celle de ses congénères, m’horrifiait au-delà du supportable. Seule solution envisagée pour moi à l’époque : le massacre. Avec plusieurs années de recul, je suis tout simplement consternée : comment ai-je pu m’en prendre aussi violemment à des bêtes si fragiles et si peu menaçantes ? J’avais 25 ou 30 ans. J’étais jeune, impulsive, stupide. La culpabilité me dévorait ensuite pendant de longues minutes, et pour cause : le monstre, c’était bien moi.
(cette sculpture monumentale de Louise Bourgeois est un hommage à sa mère qui, loin d’être une créature effrayante, pratiquait la couture comme une araignée tisse sa toile – Maman, 1999)
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Colocataires
Les araignées ne méritent pas notre haine ni notre dégoût. Par respect pour la vie et pour les animaux, acceptons-les comme des colocataires dans nos jardins et sous nos toits. Voici deux haïkus (les haïkus sont des poèmes japonais de 17 syllabes) qui nous parlent des araignées avec une tendresse bouleversante (j’ai déjà eu l’occasion d’en parler sur ce blog, les Japonais se passionnent pour les insectes). Le premier haïku a été écrit par la bonzesse Chiyo-ni, le second par Shiki :
le liseron du matin
malgré la toile d’araignée
a éclos
tapie dans le coin d’un vieux mur
immobile
l’araignée enceinte
Et voici deux haïkus que j’ai moi-même écrits :
potager picard
entre deux fleurs d’échalote
l’araignée tricote
partageant ma salle de bains
avec une araignée
mon cœur est en paix
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Pour aller plus loin :
- un article de Futura Sciences nous donne des explications sur la solidité des toiles d’araignées
- l’ouvrage Fascinantes araignées, éditions Quae, tord le cou aux clichés !
- l’ouvrage Au secours, une bestiole !, éditions Delachaux & Niestlé, donne des outils aux phobiques pour vivre plus sereinement avec les petites bêtes
(l’artiste Justin Gershenson est fasciné par les insectes et les araignées)